Le Droit Individuel à la Formation (DIF) créé par l’accord interprofessionnel du 20 septembre 2003 relatif à la formation professionnelle a été transposé dans le Code du Travail (articles L 933-1 à L 933-6) par la Loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.
Le DIF permet aux salariés de bénéficier d’actions de formation professionnelle à leur initiative.
1) Quels sont les salariés concernés ?
a – Salariés en CDI
Tous les salariés titulaires d’un CDI ayant une ancienneté d’au moins un an dans l’entreprise ont accès au DIF.
b – Salariés en CDD
Les salariés sous CDD ayant une ancienneté d’au moins 4 mois, consécutifs ou non, durant les 12 derniers mois, ont accès au DIF (article L. 931-20-1 C. Travail).
c – Contrats exclus
2) Quelles sont les conditions d’accès au DIF ?
a – Comment acquérir des heures de formation ?
La durée légale du DIF est de 20 heures par an cumulables sur 6 ans, dans la limite de 120 heures. Des dispositions conventionnelles (convention ou accord collectif interprofessionnel, de branche ou d’entreprise) peuvent prévoir une durée supérieure (article L 933-1 du
Code du Travail).
La durée de formation acquise est calculée au prorata de la durée du contrat de travail
rapportée :
A ce jour et à notre connaissance, aucun accord collectif de branche ou interprofessionnel n’a été signé en ce sens dans la profession immobilière.
Après une période de cumul de 6 ans, si le salarié n’utilise pas tout ou partie des heures de formation, le DIF reste plafonné à 120 heures.
b – Quand le DIF entre-t-il en application ?
En principe, les salariés doivent avoir un an d’ancienneté à compter de la parution de la loi pour pouvoir bénéficier du DIF. Par conséquent, la loi du 4 mai 2004 étant entrée en application le 7 mai 2004, le droit individuel à la formation est devenu accessible à partir du 7 mai 2005.
Ainsi, tout salarié entré au service de l’entreprise après le 7 mai 2004, verra ses droits acquis au titre du DIF à la date d’anniversaire de son embauche.
Par exemple, le salarié recruté le 11 juillet 2004, a acquis ses droits au titre du DIF le 11 juillet 2005 et continuera à les acquérir le 11 juillet de chaque année.
(Toutefois, un accord d’entreprise ou de branche peut prévoir une période de référence différente).
c – Comment formuler la demande auprès de l’employeur ?
La mise en oeuvre du DIF relève de l’initiative du salarié, mais nécessite l’accord de l’employeur (article L 933-3 du Code du Travail). En effet, ceux-ci doivent s’entendre sur le projet de formation et formaliser par écrit leur accord.
La demande du salarié n’est soumise à aucun formalisme spécifique mais il est préférable d’adresser la demande par lettre recommandée avec accusé de réception.
d – Comment la formation est-elle choisie ?
Le choix de l’action de formation doit être arrêté par accord écrit entre le salarié et l’employeur. En effet, le départ en DIF suppose qu’une négociation préalable ait eu lieu.
Cette négociation doit permettre d’aboutir sur un projet de formation commun.
Des priorités peuvent être définies pour les actions de formation mises en oeuvre dans le cadre du DIF par convention ou accord collectif de branche, d’entreprise ou, à défaut, par accord collectif interprofessionnel.
A défaut d’un tel accord, les actions de formation permettant l’exercice du DIF sont :
3) Quelles sont les obligations de l’employeur ?
a – Quelles informations fournir aux salariés et aux institutions représentatives du personnel ?
L’employeur a l’obligation d’informer annuellement et par écrit chaque salarié bénéficiaire du DIF du total des droits acquis au titre de ce dispositif.
Aucune précision n’étant apportée par le texte législatif, cette information peut prendre différentes formes :
Chaque entreprise devra en tout état de cause opter pour un mode d’information et l’appliquer à l’ensemble du personnel indépendamment de la date de leur entrée au sein de l’entreprise.
Selon l’Administration, cette information doit intervenir au moment où les droits sont effectivement acquis, c’est-à-dire au moment où le salarié peut en disposer.
Lorsque l’entreprise est dotée d’un Comité d’entreprise (= 50 salariés) ou à défaut de
Délégués du personnel (= 11 salariés), l’employeur doit les consulter sur la mise en oeuvre
du DIF.
b – Comment répondre à la demande du salarié ?
Qu’il accepte ou refuse la demande du salarié, l’employeur dispose d’un délai de un mois pour notifier sa réponse. A défaut, le silence vaut acceptation de la demande de formation.
Afin d’éviter tout litige ou ambiguïté avec le salarié, il est conseillé à l’employeur de répondre au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception ou par lettre remise en main propre contre récépissé.
En cas d’acceptation, l’accord de l’employeur doit faire l’objet d’un document écrit.
Le salarié bénéficie du versement par l’employeur de l’allocation de formation, égale à 50 % du salaire horaire net.
Le montant de l’allocation de formation ainsi que les frais de formation correspondants aux droits ouverts sont à la charge de l’employeur mais sont imputables sur sa participation au développement de la formation professionnelle continue (article L 933-4 du Code du Travail).
L’employeur peut refuser la demande de DIF. Toutefois, sa décision ne doit pas être discriminatoire. Certes, la loi n’impose pas expressément à l’employeur de motiver son refus. Mais, pour éviter tout litige, notamment, toute accusation de discrimination, il est conseillé de préciser les motifs.
Des modalités particulières peuvent être prévues par accord de branche ou d’entreprise.
Lorsque durant deux exercices civils consécutifs, le salarié et l’entreprise ne s’entendent pas sur le choix de l’action de formation au titre du DIF, le salarié bénéficie d’une priorité d’instruction et de prise en charge financière de sa formation par l’Organisme Paritaire
Agréé au titre du Congé Individuel de Formation (OPACIF) dont relève l’entreprise.
Si l’organisme accepte la prise en charge financière, l’employeur sera tenu de verser à ce dernier une somme équivalant :
4) Comment le DIF est-il financé ?
a – Prise en charge financière par l’employeur
L’employeur peut directement déduire ses dépenses sur sa participation à la formation professionnelle continue ou demander une prise en charge ou un remboursement l’Organisme collecteur agréé au titre du DIF.
L’employeur doit demander une prise en charge ou un remboursement des frais de formation à l’organisme auquel il verse sa participation à la formation professionnelle continue.
b – Prise en charge financière par l’OPACIF
Quand l’action de formation liée au DIF est prise en charge par un OPACIF, l’employeur doit verser à ce dernier l’allocation de formation correspondant aux droits acquis par le salarié
au titre du DIF, ainsi que les frais de formation correspondants.
En revanche, les frais de formation, de transport et d’hébergement engagés au titre du DIFCDD, ainsi que l’allocation de formation éventuellement versée au salarié sont pris en charge par l’organisme paritaire collecteur agréé auquel l’employeur verse sa contribution de 1 % destinée au financement du CIF des salariés sous CDD (article L 931-20-2 du Code du Travail).
c – Les titres-formation
Créé par l’article 8 de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, ce « titre-formation » a pour objectif de simplifier les formalités administratives liées au DIF, notamment pour les petites et moyennes entreprises.
L’employeur a donc la possibilité de remettre au salarié des « titres-formation » lui permettant de s’acquitter du coût des actions de formations suivies dans le cadre du DIF.
Les titres-formation doivent être mis en oeuvre par accord de branche ou par accord interprofessionnel. A défaut, ce titre-formation n’est pas utilisable. A priori, rien n’a été conclu à ce jour dans l’immobilier.
5) Comment gérer les dossiers ?
a – La mise en oeuvre de la formation :
En principe, les heures de formation réalisées dans le cadre du DIF sont effectuées en totalité en dehors du temps de travail.
En principe, le temps de repos quotidien est au minimum de 11 heures consécutives. Le temps de repos hebdomadaire est, quant à lui, de 24 heures consécutives minimums, auxquelles s’ajoutent les 11 heures de repos quotidien, soit 35 heures consécutives de repos.
Une action de formation au titre du DIF ne doit pas être organisée durant les temps de repos légaux.
En principe, chaque salarié bénéficie de 30 jours ouvrables de congés payés. Compte tenu de la nature de ces congés payés, aucune action de formation liée au DIF ne peut être exercée durant cette période.
L’exercice d’une action de formation liée au DIF est, bien entendu, totalement exclu durant une absence pour maladie (professionnelle ou non professionnelle).
L’exercice d’une action de formation liée au DIF durant les autres jours de congés (par exemple, jour de congé supplémentaire, un congé sans solde, un congé sabbatique, un jour de RTT, etc.) est possible, à condition toutefois que cette solution soit envisagée par un accord collectif.
Une convention ou un accord collectif de branche ou d’entreprise peuvent prévoir que le DIF s’exerce en partie pendant le temps de travail (article L 933-3, alinéa 2 du Code du Travail).
Chaque action de formation réalisée dans le cadre du DIF doit être déduite du contingent d’heures de formation disponibles.
Un accord de branche ou d’entreprise peut toutefois prévoir des dispositions plus favorables aux salariés.
(Par exemple, si le salarié exerce son DIF en dehors du temps de travail pour suivre certaines formations, il a la possibilité de bénéficier d’un abondement de ses droits, égal à un certain % de la durée du DIF ainsi réalisée.
Cet abondement, qui constitue une modalité de prise en compte des efforts de formation du salarié, est porté au crédit de son compte et figure sur le document récapitulatif annuel des droits acquis au titre du DIF).
b – Rémunération et Couverture sociale
Lorsque les heures de formation sont effectuées hors temps de travail, le salarié bénéficie d’une allocation de formation versée par l’employeur, égale à 50 % de la rémunération nette, calculée selon la formule suivante :
Total des rémunérations nettes versées au cours des 12 derniers mois précédant le début de la formation
Nombre total d’heures rémunérées au cours de ces mêmes 12 derniers mois
A défaut d’accord collectif interprofessionnel, de branche ou d’entreprise prévoyant des dispositions particulières, l’allocation de formation est versée au salarié à la date normale d’échéance de la paie du mois suivant celui au cours duquel les heures de formation ont été effectuées en dehors du temps de travail.
L’employeur doit remettre chaque année au salarié un document récapitulant l’ensemble des heures de formation effectuées et les différents versements de l’allocation. Ce document est annexé au bulletin de paie. L’employeur est libre de choisir les modalités de
réalisation de ce document.
L’allocation ne constitue pas une rémunération au sens du code du travail, ni au sens du code de la sécurité sociale. Elle est donc exonérée de cotisations et de contributions sociales (article L 932-1, III du Code du Travail).
En revanche, l’allocation de formation est imposable sur le revenu. Le salarié doit donc la mentionner sur sa déclaration de revenus.
Lorsque des heures de formation sont effectuées pendant le temps de travail, l’employeur est tenu de verser au salarié sa rémunération normale.
Pendant toute la durée de la formation, qu’elle soit réalisée pendant ou en dehors du temps de travail, le salarié bénéficie de la protection sociale en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles (article L 933-4 du Code du Travail).
6) Remplacement des salariés en formation
a – Principe
Les actions de formation réalisées dans le cadre du DIF s’exerçant en dehors du temps de travail, il n’y a pas de remplacement à prévoir.
b – Exception
Les actions de formation pouvant également s’exercer en partie sur le temps de travail, le remplacement du salarié parti en formation peut être envisagé par l’employeur. Dans ce cas, le remplacement peut s’exercer de différentes manières :
c – L’aide financière de l’Etat
Depuis le 1er janvier 2005, les entreprises de moins de 50 salariés remplaçant leurs salariés absents pour formation peuvent obtenir, sous certaines conditions, une aide financière de l’Etat, calculée sur la base d’un forfait horaire correspondant à 50 % du taux horaire du SMIC, soit 4,015 €.
Le bénéfice de cette aide est ouvert pour tout salarié absent pour formation, exception faite des bénéficiaires d’un CIF, des intérimaires, des titulaires de contrat d’apprentissage, de professionnalisation ou d’insertion en alternance.
Par ailleurs, les conditions suivantes doivent être respectées :
Cette aide au remplacement fait l’objet d’une convention conclue entre l’employeur et l’Etat, représenté par le préfet du département où est situé l’établissement qui emploi le salarié.
La demande de convention doit être déposée par l’employeur auprès de la DDTEFP, au plus tard un mois après l’embauche ou la mise à disposition du salarié remplaçant, en y joignant diverses pièces justificatives (attestation d’inscription de l’organisme de formation, copie du contrat de travail du salarié remplaçant ...).
L’aide ne peut être accordée que pour une durée maximale de un an (article R 322-10-16 du Code du Travail).
Il est à noter que pour les actions de formation d’une durée inférieure ou égale à 152 heures, le montant de l’aide est versé en une seule fois à la fin du remplacement.
7) Rupture ou modification du contrat de travail :
a – Conséquences d’un licenciement sur le DIF
Si un salarié est licencié, le DIF est transférable, c’est-à-dire que le salarié peut utiliser les droits acquis après le terme du contrat de travail et ce, que le licenciement soit invoqué pour un motif économique ou personnel (article L 933-6 du Code du Travail).
Par exception, le DIF n’est pas transférable si le licenciement du salarié est prononcé pour une faute grave ou lourde.
L’employeur est tenu d’informer le salarié licencié (sauf faute grave ou lourde) dans la lettre de licenciement, de ses droits en matière de DIF, notamment de la possibilité de demander pendant le préavis à bénéficier d’une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l’expérience ou de formation.
Si le salarié licencié souhaite bénéficier du reliquat d’heures de formation acquis au titre du DIF, il doit effectuer une demande expresse à son employeur, avant l’expiration de la période de préavis et ce, que ce dernier soit ou non exécuté.
Le salarié a la possibilité de suivre une action de formation, de bilan de compétences ou de validation des acquis de l’expérience. Toutefois, la mise en oeuvre du DIF dans ce contexte ne nécessite pas un accord formalisé entre l’employeur et le salarié sur la nature de l’action de formation. En outre, l’action de formation pourra se dérouler postérieurement au terme du contrat de travail.
Le stage suivi par le salarié est financé en tout ou en partie par l’employeur.
En effet, l’employeur doit financer le stage du salarié pour un montant égal au nombre d’heures acquises au titre du DIF, n’ayant pas été utilisées, multipliée par le montant de l’allocation de formation calculée sur la base du salaire net perçu par le salarié avant son départ de l’entreprise, soit 50 % du salaire net.
Exemple :
Un salarié dispose de 40 heures à la date de rupture du contrat de travail. Son salaire horaire net est de 30 €.
Le montant de l’allocation de formation calculé sur la base du salaire net perçu avant le départ de l’entreprise est de :
30 € x 50 % = 15 €
Ainsi, le montant des allocations de formation correspondant aux droits acquis est de :
15 € x 40 heures = 600 €.
L’employeur doit donc financer le stage du salarié pour un montant de 600 €.
b – Conséquences d’une démission sur le DIF ?
En cas de démission, le salarié concerné peut demander à l’employeur à bénéficier du DIF pour suivre une action de formation, de bilan de compétences ou de validation des acquis de l’expérience.
Cette action doit être engagée avant le terme du préavis. Ce terme signifie donc que l’action ne doit pas nécessairement être entièrement réalisée avant le terme du contrat de travail.
c – Conséquences du départ à la retraite sur le DIF ?
En cas de départ à la retraite du salarié, ce dernier perd les heures de formation acquises au titre du DIF. Ainsi, le montant de l’allocation de formation correspondant aux heures acquises au titre du DIF n’ayant donné lieu à utilisation est perdu.
Conclusion
Une réflexion doit donc être conduite par chaque chef d’entreprise sur l’utilisation du DIF.
Cependant, cette dernière possibilité reste subordonnée à la conclusion d’un accord de branche qui n’existe pas à ce jour. Dans le domaine du DIF, comme dans bien d’autres, gérer c’est anticiper.
Jean-Paul NOUGARET
Avocat Associé
Spécialiste en Droit Social et en Droit Economique